Tout ce que vous voulez savoir sur les effets de l’activité physique et sportive…

La psychologie positive est une approche scientifique et intégrative du bien-être et du fonctionnement optimal des personnes et des groupes. Alors qu’elle est souvent à tort considérée uniquement comme une science du bonheur, elle offre à la fois des prismes d’analyses et pratiques innovants dans les champs de l’éducation (e.g., White & McCallum, 2023), de la psychologie organisationnelle (e.g., Vallerand & Houlfort, 2019) ou de la santé (e.g., Rashid & Seligman, 2018, 2019). Elle enrichit ce dernier champ d’un éclairage sur la santé mentale positive ainsi que sur les modalités d’interventions dont les effets sont éprouvés, à la fois quant à leurs points forts mais aussi leurs limites (Keyes, 2002, 2005 ; Huppert & Whittington, 2003). L’ensemble des thématiques de ce champ est largement couvert dans différents ouvrages (e.g., Martin-Krumm & Tarquinio, 2011, 2021 ; Martin-Krumm, 2021). 

Le champ de la santé se superpose souvent avec celui de la maladie or être en bonne santé ce n’est pas forcément ne pas être malade… C’est sans aucun doute plus complexe. Il est tout à fait possible d’être confronté à une problématique de santé physique tout en se révélant en bonne santé mentale. C’est entre autres ici que l’activité physique peut avoir une importance cruciale. En effet, au-delà des effets bénéfiques au quotidien, ceux-ci peuvent s’avérer particulièrement intéressants dans différents contextes avec différents publics. C’est la raison pour laquelle les bénéfices de l’activité physique dans les domaines de la santé, de l’éducation ou du travail ont été largement mis en évidence. En revanche, les liens entre la psychologie positive, le fonctionnement optimal et l’activité physique n’ont fait l’objet à ce jour de la publication que d’un seul ouvrage en langue anglaise (i.e., Brady & Grenville-Cleave, 2018).

Quelles seraient les spécificités de ces interactions entre psychologie positive, santé et activité physique ou sport ? Quelle est la plus-value par rapport à une interaction santé et activité physique parce que les ouvrages traitant cette thématique sont nombreux, pour le soin de soi (e.g., Mino et al., 2018), pour des élèves de collège (e.g., Alberti et al., 2019), pour les adultes de plus de 55 ans (e.g., Manidi & Michel, 2003) ou pour bien vieillir (e.g., Chorin, 2022), pour les femmes (e.g., Gruman & Couté, 2022), pour les personnes touchées par le cancer (e.g., Landry & Landry, 2020), pour des pathologies chroniques (e.g., Delamarche & Carré, 2021) ou la santé mentale (Bellamy Fayollet et al., 2019) ? Les bienfaits du sport sur la santé sont aussi largement documentés (e.g., Décamps, 2011). Y a-t-il superposition entre activité physique et sport dans une perspective de santé ? Dans ce rapport, la psychologie positive peut-elle apporter des éléments complémentaires ?

A ce point de la réflexion, la définition de la psychologie positive est à l’heure actuelle suffisamment précise pour avancer dans la réflexion, mais force est de constater qu’il convient de définir précisément le concept de santé ainsi que ce que recouvrent ceux d’activité physique et de sport. 

Le concept de santé

Dès l’Antiquité la santé a été l’objet d’une conception harmonieuse de l’homme et de l’univers, appréhendée comme un bon équilibre entre les principaux organes et humeurs qui forment le corps humain. Un poète romain de la fin du 1er siècle écrivait que la santé, c’est « un esprit sain dans un corps sain[1] » (Juvénal). Aujourd’hui, la santé est essentiellement définie par la médecine scientifique qui fournit les notions de base pour la compréhension des différents états et organes du corps humain. C’est au cours du XXème siècle que la notion de santé va être élargie et reliée à des facteurs anthropologiques, philosophiques, sociaux et psychologiques qui

sont depuis, considérés comme étant de plus en plus importants. 

Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité[2] ».

Une telle définition propose une vision complète et démédicalisée de la santé (le médecin n’est plus la seule habilité à définir l’état de santé d’un individu). Elle souligne en outre la part subjective, globale, contextuelle et multidimensionnelle de la notion de santé.

Les choses ont évolué en 1986 lors de la première conférence internationale sur la promotion de la santé organisée à Ottawa. Les besoins des pays industrialisés y sont particulièrement abordés. La charte décrit cinq domaines d’actions pour la promotion de la santé : l’élaboration de politiques pour la santé, la création d’environnements favorables, le renforcement de l’action communautaire, l’acquisition d’aptitudes individuelles, et la réorientation des services de santé (OMS, 1986). La promotion de la santé y est définie comme un « processus qui donne aux individus davantage de maitrise de leur propre santé et davantage de moyens pour l’améliorer. Pour parvenir à un état de complet bien-être physique, mental et social, l’individu, ou le groupe, doit pouvoir identifier et réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et évoluer avec son milieu ou s’y adapter. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la vie. Elle devient un concept positif mettant l’accent sur les ressources sociales et personnelles ainsi que sur les capacités physiques. La promotion de la santé ne relève donc pas seulement du secteur de la santé. Elle ne se borne pas seulement à préconiser l’adoption de modes de vie qui favorisent la bonne santé́. Son ambition est le bien-être complet de l’individu ». Cette définition de la santé s’avère donc plus ambitieuse que celle proposée par l’OMS en 1946. D’abord, elle propose une vision dynamique et engagée de la santé. Il ne s’agit plus de faire de simples constats, mais d’agir pour transformer les choses et permettre à chacun de disposer des ressources nécessaires pour aller mieux et être en bonne santé. Ensuite, une telle approche est dépositaire d’un projet sociétal plus que louable car il s’agit de faire en sorte de réduire les inégalités de santé en donnant à tous les individus les moyens et les occasions de se réaliser.

Le niveau de sédentarité a augmenté avec l’évolution du travail (voir Kern et al., 2016, pour une revue). L’espérance de vie a elle aussi évolué. Les loisirs des jeunes ont aussi considérablement changé avec, entre-autres, l’explosion des jeux vidéo impliquant de nouvelles problématiques de maladie pour cette population ou a minima du développement de leur capital santé (Kern et al., 2016). 

Il ne fait aucun doute aujourd’hui que le sport et plus largement l’activité physique sont bons pour la Santé. La sédentarité couterait, selon un article de la revue médicale britannique « The Lancet[3] » publié en 2016, plus de 60 milliards d’euros. Cette étude qui a concerné 142 pays fut la première à chiffrer le coût de ce que ce les auteurs ont baptisé la « pandémie de sédentarité ». En 2002 déjà, les scientifiques tiraient la sonnette d’alarme en estimant à 5 millions le nombre de morts par an liés au manque d’activité physique. Pour l’OMS, la sédentarité est considérée comme un véritable problème de santé publique désormais classé au 4ème rang des facteurs de risque. Le seul fait de rester assis plus de 3 heures par jour serait responsable de 3.8% des décès toutes causes confondues (et indépendamment du niveau d’activités physiques). Et le risque de mortalité augmente de manière plus marquée encore lorsque la position assise dépasse les 7 heures par jour. La sédentarité s’est petit à petit immiscée dans notre quotidien à tous du fait de l’évolution de notre société. Internet, la place des écrans dans les loisirs, le développement du travail de bureau, le télétravail, la motorisation des transports… la modernité nous a éloigné de l’activité physique et du mouvement. On distingue généralement la sédentarité de l’inactivité physique. La sédentarité signifie que nous avons une faible dépense énergétique. C’est le temps passé à être inactif, avec une sollicitation musculaire quasi nulle.  Selon l’ANSES[4], 37% des adultes notamment à cause de leur travail passent plus de huit heures par jour assis. En conséquence, le risque de décès est augmenté de 4 à 12% par heure supplémentaire au-delà de huit heures par jour. Pour ceux passant plus de cinq heures par jour devant la télévision, le risque de décès d’origine cardiovasculaire est alors augmenté de 45%. 

Conjointement, les offres en termes de pratiques physiques « bien-être » ont évolué et la qualité des prises en charge de certaines pathologies permet aux patients de vivre dans des conditions qui sont toujours meilleures. Dans certains cas, la prise en charge permet un vivre avec la maladie qui offre de nouvelles perspectives aux patients. Au final, des patients touchés par la maladie, chronique ou autre, peuvent certes ne pas être dans un état de bien-être physique total mais être en état de bien-être mental et social. A l’inverse, des adolescents dont il pourrait être présumé qu’ils seraient dans un état de bien-être complet, physique, mental et social, il ressort que les problématiques d’obésités sont de plus en plus nombreuses, que les performances sur des tests physiques standardisés se dégradent par exemple et qu’ils sont de plus en plus touchés par la sédentarité avec son cortège d’effets délétères en termes de coordination, de santé osseuse, de capacités respiratoires, de taux de lipides sanguin ou d’estime de soi (e.g., Gillis et al., 2013). Dix années après cet état des lieux, l’activité physique apparaissait déjà comme une contre mesure adéquate mais force est de constater qu’à défaut d’être restée lettre morte, la problématique de sédentarité demeure chez les jeunes malgré les recommandations mises en avant comme l’importance du soutien social (e.g., Lisboa et al., 2021 ; Fuentealba-Urra et al., 2022). Ce constat vaut d’ailleurs également chez les adultes et des chercheurs testent le recours à des modalités innovantes pour la promouvoir comme des applications digitales par exemple (e.g., Schroé et al., 2023) ou des interventions spécifiques à certains domaines comme celui du travail (e.g., Ramezani et al., 2022). Par conséquent, les problématiques de l’engagement et de la persistance dans la pratique se posent à tous les âges de la vie. L’objet de cet ouvrage sera donc d’apporter des éléments de réponse. Il est toutefois possible à ce stade de présumer de nuances entre « sport » et « activité physique » qui peuvent s’avérer déterminantes dans l’appétence des individus pour ce genre d’activités. 

Il convient d’ailleurs de ne pas confondre sport et activité physique.  Faire le ménage, monter les escaliers plutôt que prendre l’ascenseur ou promener Mamie dans sa chaise roulante dans le parc de l’EHPAD ne sont pas des activités qui s’apparentent à un sport. En effet, le sport est généralement apparenté à une discipline comme le karaté, le football, le basket ou le quidditch…, ainsi qu’à une recherche de progrès et de résultats voire dans certains cas, de performance et de compétition contre les autres ou contre soi-même

Sport et activité physique

De nombreuses recherches mettent en avant les effets bénéfiques de l’activité physique chez des patients touchés par des maladies chroniques comme le cancer (e.g., Azemour et al., 2022), ou le diabète (e.g., Maudet-Coulomb et al., 2023) ou dans le cadre du vieillissement (e.g., Muniz et al., 2022 ; Wyoso et al., 2022), chez des jeunes porteurs d’un handicap (e.g., Nocera et al., 2022), chez des détenus touchés par des problèmes de santé (e.g., Gallego et al., 2023) ou dans le domaine du travail dans une logique de prévention des maladies professionnelles et de promotion de la santé au travail (e.g., Grimaud et al., 2022 ; Orellana- Iñiguez & Navarro, 2022 ; Ginoux et al. 2019). Promouvoir la pratique du sport ou d’une activité physique passe inévitablement par la formation des professionnels de santé qui peuvent tantôt se révéler être des soutiens à la pratique mais aussi parfois ne pas maîtriser certains points déterminants pouvant par conséquents représenter des freins (e.g., Ramsey et al., 2022 ; Nguyen et al., 2021 ; Van Hoye et al., 2019). Parmi ceux-ci, une distinction est importante à pointer entre sport et activité physique en raison des représentations que les personnes sont susceptibles d’avoir vis-à-vis de l’un et de l’autre avec les conséquences potentiellement associées sur la pratique.

Sport

Selon le sociologue Pociello (1981), le sport est une « compétition réglée dans des conditions de stricte standardisation ». Autrement dit, pratiquer un sport implique pratiquement de facto d’être inscrit dans une structure sportive et de suivre une planification de l’entrainement afin de préparer les compétitions. Pour qu’une activité physique individuelle ou collective puisse être classée comme un sport, elle doit répondre à 4 exigences : 1- l’utilisation d’une ou plusieurs capacités physiques (endurance, résistance, force, coordination, adresse, souplesse), 2- avoir des règles institutionnalisés et identiques pour tous les continents permettant les confrontations d’envergures internationales 3- avoir pour finalité la compétition et la performance 4- être sous l’égide d’une fédération sportive organisant sa pratique et ses compétitions. Cette définition met en avant les institutions, mais les règles et la compétition sont cependant à relativiser car elles n’excluent pas le « sport loisir », le « sport-aventure » ou le « sport-santé » : Sports satisfaisants aux 4 exigences décrites par Pociello mais dont le versant compétition internationale est moins développé. 

C’est la connotation « compétition » qui peut faire du sport un domaine d’activité attrayant pour les uns alors que ce sera rédhibitoire pour les autres même si les motifs d’engagement dans une pratique compétitive peuvent être divers, entre participer pour gagner et participer pour le plaisir. Quoi qu’il en soit, cet aspect en lien avec la compétition quand il est question de sport est de nature à entretenir des malentendus dès lors qu’il est question d’inciter des personnes à pratiquer d’autant que les professionnels de santé eux-mêmes, lorsqu’ils prescrivent de l’activité physique ont tendance à entretenir cette confusion. A titre d’exemple, les professionnels des Activités Physiques Adaptées et Santé (APAS) ne sont pas toujours identifiés dans le champ. Dès lors, des patients sont indifféremment orientés vers des entraîneurs, des coachs, des salles de sport, des clubs sportifs ou des professionnels APAS qui sont pour pourtant les personnels qualifiés pour l’encadrement de pratiquement dans la perspective de la prise en charge en santé. 

Activité physique

A l’inverse du sport qui concerne souvent une activité sportive précise, on entend par activité physique (AP) tout mouvement produit par les muscles squelettiques, responsable d’une augmentation de la dépense énergétique au-dessus de la dépense de repos (Oppert et al., 2006). L’OMS[5] (cf. site : http://www.who.int/fr/) définit quatre grands domaines d’AP : les activités de la vie quotidienne, les activités professionnelles, les activités physique de loisirs et sportives ainsi que les déplacements. L’activité physique est donc plurielle, car elle peut être réalisée dans différents contextes (professionnel, loisir, familial, compétition) avec différentes finalités (loisir, travail, déplacement, performance). 

L’activité physique ne se confond donc pas avec l’exercice physique et encore moins avec le sport. Nous pouvons donc être très actifs, sans nécessairement être très sportif. L’AP peut également être pratiquée à différentes intensités : faible, modérée et intense. Selon l’OMS[6] une AP d’intensité modérée, demande un effort moyen et accélère la fréquence cardiaque (marcher d’un pas vif, danser, jardiner, faire du bricolage, le ménage…). Une AP d’intensité élevée demande un effort important, le souffle se raccourcit et la fréquence cardiaque s’accélère considérablement (courir, nager à vive allure, faire des sports et des jeux traditionnels). 

En d’autres termes, le sport est la forme la plus sophistiquée de l’activité physique, mais l’activité physique ne se réduit pas au sport. Elle comprend aussi l’activité physique dans la vie de tous les jours, à la maison, au travail, dans les transports et au cours des loisirs non compétitifs (voir Kern et al., 2016, pour une revue).

            Au final, force est de constater qu’un grand nombre de travaux révèlent que les effets de l’activité physique ou du sport sont bénéfiques pour les individus, que ce soit dans une logique de promotion de la santé, de préventions primaire ou secondaire voire tertiaire. Pourtant, la sédentarité devient de plus en plus problématique, à la fois chez les plus jeunes comme chez les adultes ou les personnes vieillissantes. Dès lors, les bénéfices du sport ou de l’activité physique méritent d’être rappelés tant dans la perspective du développement des ressources que de la qualité vie d’une manière générale.

            Cet ouvrage vise donc à apporter des éléments de réponses aux questions que posent les constats qui ont pu être faits et à expliciter les liens entre psychologie positive, sport, activité physique et santé. Il sera structuré autour de six parties principales. La première est destinée à couvrir les aspects conceptuels lorsqu’il est question d’activité physique, de psychologie positive et de santé. La seconde partie est dédiée aux aspects en liens avec la psychologie positive, l’activité physique et les logiques de promotion de la santé ou de prévention. La troisième partie concernera plus la prise en charge. La quatrième partie présentera les liens en environnement de travail. La cinquième partie pour sa part sera en lien avec les pratiques sportives et le sport de compétition. Pour finir, la sixième partie a pour vocation de présenter le côté obscur de la pratique sportive ou physique. Une partie conclusive viendra apporter une vision synthétique de ce qui a été développé.

Si vous voulez en savoir plus, si vous souhaitez que soient présentés les avantages mais aussi les limites de l’activité physique ou du sport dans les environnements professionnels par exemple, n’hésitez pas à me contacter pour une conférence ou des ateliers pratiques.


[1] Cette citation est reprise comme slogan par l’équipementier sportif ASICS sous la forme « Anima Sana In Corpore Sano » 

[2] Préambule à la Constitution de l’OMS tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la santé, New-York, 19-22 juin 1946 ; signée le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 états (actes officiels de l’OMS, n°2, p. 100). Le texte est entré en vigueur le 7 avril 1948.

[3] Ding Ding et al. (2016). The economic burden of physical inactivity: a global analysis of major non-communicable diseases. The Lancet, 388, 10051, 1311-1324. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(16)30383-X

[4] Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

[5] Source de l’OMS : http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789242599978_fre.pdf?ua=1

Page 52

[6] http://www.who.int/dietphysicalactivity/physical_activity_intensity/fr/

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