Psychologie positive, courant innovant ou courants antérieurs revisités ? Quels en sont les intérêts ?

La psychologie positive est une approche scientifique et intégrative du bien-être et du fonctionnement optimal des personnes et des groupes. Elle est souvent considérée comme une science du bonheur. C’est un point de vue très réducteur parce qu’elle offre à la fois des prismes d’analyses et pratiques innovants dans les champs de l’éducation (e.g., White & McCallum, 2023), de la psychologie organisationnelle (e.g., Vallerand & Houlfort, 2019) ou de la santé (e.g., Rashid & Seligman, 2018, 2019). Il s’agit d’une approche par les ressources qu’elles soient individuelles ou collectives.

Il s’agit d’une approche scientifique parce que le souci des chercheurs est l’administration de la preuve. Par exemple qu’elles sont les preuves que l’optimisme a vraiment des effets bénéfiques ? Est-ce que ce n’est pas plutôt une croyance qui n’est fondée sur aucune données objectives ? Est-il possible de reproduire les éventuels résultats d’études qui auraient été réalisées ? Même s’il convient d’être prudent dans la manière d’apporter des réponses à ces questions, force est toutefois de constater qu’effectivement il y a des preuves convaincantes (voir Martin-Krumm, 2023, pour une revue).

Les chercheurs ne se limitent pas à mettre en évidence des relations entre différentes variables comme l’optimisme et ses effets. Dès lors que de tels effets sont identifiés, des chercheurs souhaitent alors mettre au point des techniques d’intervention afin de « rendre les personnes plus optimistes ». C’est une intention louable dès lors qu’il a été mis en évidence qu’être optimiste pouvait par exemple prédire la qualité de vie dans le champ de la santé (Martin-Krumm, 2023).

Si des interventions ont été mises au point, alors il convient d’apporter la preuve de leur efficacité. Cela consiste à comparer par exemple le niveau d’optimisme de personnes avant et après une intervention mais cela ne se limite pas à cette approche pré/post intervention. En effet, il convient également d’évaluer la taille d’effet de l’intervention, autrement dit a-t-elle des effets importants ou faibles ? Qu’elle en est la plus-value ? C’est un troisième effet déterminant à prendre en compte de manière à toujours savoir proposer des interventions qui soient calibrée selon la problématique à prendre en charge ainsi que les personnes concernées. Pour finir, le dernier point déterminant est la durabilité des effets. Il ne suffit pas par exemple qu’une personne bénéficie d’un environnement soutenant son niveau d’optimisme quant à son engagement dans l’activité physique et qu’effectivement elle pratique, il est également nécessaire qu’elle pratique dans la durée. Dès lors, si c’est cet environnement soutenant qui faisait l’objet de l’étude, alors le chercheur souhaitera à en tester les bénéfices dans la durée de la pratique de l’individu.

Ces approches rigoureuses et complémentaires permettent d’avoir un rapide aperçu de ce que représente le travail des chercheurs. Dans le champ de la psychologie positive, dès lors qu’il s’agit d’une approche scientifique, ils ne dérogent pas à la règle. Au regard des critiques qui ont été émises à l’égard de la psychologie positive qui serait une psychologie en « mode bisounours » ils sont même particulièrement sensibles à cette nécessaire administration de la preuve. Par ailleurs le fait que deux revues scientifiques dédiées à la psychologie positive[1] soient classées parmi celles qui sont les plus citées au monde (classement Q1 sur le site Scimago) dans le champ de la psychologie suffit en soit à évaluer la rigueur des travaux réalisés.

La psychologie positive est considérée comme étant intégrative parce qu’elle permet par essence de croiser les champs théoriques, qu’ils soient issus de la psychologie au sens large ou à d’autres « sciences humaines » (sociologie, neurosciences, philosophie, médecine, biologie, etc.). Une telle approche est très intéressante parce qu’elle permet une approche par la complexité des problématiques auxquelles sont susceptibles de se confronter les individus. En matière de santé mentale, cela permet par conséquent d’avoir des diagnostics qui peuvent être plus précis à l’instar par exemple de l’importance de l’alimentation sur la qualité du microbiote qui est susceptible en retour d’avoir un effet sur le bien-être ou la santé de l’individu. Cela amène bien-sûr une remarque. La naissance de la psychologie positive remonte à la fin des années 1990 avec les travaux princeps de Seligman et de Csikszentmihalyi. Leur publication de l’an 2000 en est d’ailleurs l’article fondateur. Mais est-ce que pour autant une approche par les ressources telle qu’elle est envisagée dans ce courant ne préexistait pas ? Bien évidemment qu’un ensemble de travaux existait avant les années 2000. Tout d’abord la psychologie positive s’inscrit dans la continuité de la psychologie humaniste telle qu’elle a été développée par Maslow dans les années 1960. Ensuite, les connaisseurs ont remarqué que des chercheurs réputés comme Deci, Ryan, Vallerand, Diener, Peterson, Baumeister et bien d’autres sont impliqués dans le champ. Ils n’ont pas attendu les années 2000 pour développer et publier leurs travaux. Par contre, il y a eu un alignement des planètes qui a permis à Seligman de proposer cette vision intégrative de la psychologie positive. Le temps était venu pour la psychologie de s’intéresser au fonctionnement optimal des personnes et des groupes plutôt que de ne s’intéresser qu’à la maladie. Il sera noté que si Seligman est considéré comme fondateur de ce courant, force est de constater qu’il a bénéficié de son élection à la tête de la très importante American Psychological Association pour promouvoir ses idées. C’est finalement grâce à cette élection que la paternité lui revient et qu’elle est considérée comme un courant Nord-Américain. Elle aurait tout aussi bien pu être française avec les travaux précurseurs de Cottraux par exemple ou de Missoum. Oui mais ceux-ci n’étaient pas les présidents de la plus importante association de psychologie. Quoi qu’il en soit, de part son origine la psychologie positive permet la croisée des chemins entre différents courants afin de s’intéresser au fonctionnement optimal des personnes et des groupes que ceux-ci dans une perspective de soin ou d’épanouissement. 

Ce qui est reproché à la psychologie positive c’est qu’elle chercherait à promouvoir une injonction au bonheur, qu’elle nierait la souffrance humaine ou qu’elle ne se focaliserait que sur l’individu selon une approche exclusivement individualiste. L’ensemble de ces points ne reflètent que la méconnaissance du champ de la part des personnes qui les défendent. Il s’agit bien d’une approche du bien-être et du fonctionnement optimal des personnes et des groupes. En revanche, le fait qu’elle soit issue de l’Amérique du nord justifie la prudence lorsque des modèles théoriques et des « manières de voir » sont massivement importés dans notre culture. C’est la raison pour laquelle de nombreux chercheurs militent pour une psychologie positive à l’européenne pour ce qui nous concerne au même titre qu’il convient d’avoir des approches culturelles.

On remarquera donc deux instances internationales qui prédominent dans le champ. L’International Positive Psychology Association (IPPA – association mondiale) dont je suis membre du bureau directeur et qui m’a élevé au rang de Fellow en 2021, et l’European Network for Positive Psychology (ENPP) dont je viens d’être élu Président. C’est la première fois qu’un français accède à ce niveau de responsabilité. J’en suis le 5ème président. Je succède ainsi à Antonella Delle Fave, Hans-Henrik Knoop, Dora Guðmundsdóttir, et enfin Marta Bassi. J’ai la chance d’avoir à mes côtés Elisabeth Grimaud qui a accepté de me seconder au poste de secrétaire comme elle le fait déjà depuis de nombreuses années dans le cadre de l’Association Française et francophone de Psychologie Positive que préside depuis 2013 et que je co-préside maintenant avec elle. Nous aurons entre autres missions d’épauler l’irlandaise Jolanta Burke dans l’organisation du prochain congrès européen qui va se dérouler à Dublin en 2026 et de contribuer au développement du réseau européen.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la psychologie positive, si vous souhaitez des interventions sur la résilience, sur l’optimisme, sur les ressources psychologiques, sur les effets de l’activité physique ou sur la motivation par exemple, n’hésitez pas à me contacter. Je pourrai assurer ateliers pratiques ou des conférences à destination de vos cadres, de vos salariés ou tout simplement de votre entourage.

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Description générée automatiquement

[1] Journal of Positive Psychology et Journal of Happiness Studies

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